Charles-Henri d’Aragon à son bureau à Aïn el-Remmaneh : « Je n’ai pu m’empêcher de placer mes propos sous le signe de l’émotion. » Photo Marwan Assaf
DIPLOMATIE
Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France au Qatar et en Arabie saoudite, et un ancien de Jamhour, succédera à Charles-Henri d’Aragon.
Fady NOUN | OLJ 22/02/2019
En guise de discours d’adieu, c’est un autoportrait attachant et ému qu’a brossé pour ses invités Charles-Henri d’Aragon, ambassadeur de l’ordre souverain de Malte au Liban, lors de la soirée en son honneur offerte mercredi dans un restaurant de la rue Sursock, à Achrafieh. Et en guise de départ définitif, c’est… un faux départ qu’il a annoncé puisque, en quittant la direction de l’ambassade, il saisit au vol le trapèze de l’Association Malte-Liban, où il succède à la princesse Françoise de Lobkowicz, ce qui lui permettra de servir l’ordre et de revenir régulièrement au Liban.
Au cocktail d’adieu, se sont associés, en particulier, Albert Serhane, ministre de la Justice, représentant le chef de l’État ; le député Michel Moussa, représentant le président de la Chambre ; la députée (dont le mandat a été invalidé) Dima Jamali, représentant le Premier ministre ; Najla Assaker, représentant le ministre des Affaires étrangères, et Mgr Antoine Seif, représentant le patriarche maronite.
Sous le signe de l’émotion
« Je n’ai pu m’empêcher de placer mes propos sous le signe de l’émotion, a dit le diplomate. Ce départ est mon second de cette ville. Je n’ai pas oublié le premier en septembre 1980. Après quatre ans de services à l’ambassade de France, rue Clemenceau, je quittais en larmes mon domicile proche de Gefinor pour n’arriver à sécher mes yeux qu’à la hauteur de l’Unesco. J’y repense en regardant parmi vous des amis d’alors dont la fidélité me touche profondément. Tout cela pour vous dire combien ce premier séjour avait été marquant pour moi et combien son souvenir a pesé dans ma décision d’y revenir pour servir l’Ordre de Malte.»
« Deux raisons m’ont poussé à prendre la décision de quitter mes fonctions, a enchaîné Charles-Henri d’Aragon, avant d’annoncer le nom de son successeur. La couleur de mes cheveux, d’abord, mais surtout le fait que j’avais déniché un excellent candidat à ma succession (…). J’ai pensé à mon ami Bertrand Besancenot (…). Ancien élève de Jamhour, il connaissait bien le Liban où il avait de nombreux amis, il avait passé une grande partie de sa carrière dans des postes importants de la région où sa maîtrise de la langue arabe lui avait ouvert bien des portes et des cœurs. Ambassadeur au Qatar puis en Arabie, il avait rendu, dans ces deux pays, des services signalés à l’Église qui lui ont valu la reconnaissance du Saint-Père. »
À son successeur, l’ambassadeur a annoncé : « J’ai découvert en février 2012 – dans l’Association libanaise des chevaliers de Malte – une organisation parfaitement huilée qui faisait fonctionner à plein régime des centres médico-sociaux dans tout le pays, des unités médicales mobiles, des centres pour le 3e âge, un centre de physiothérapie et un centre de vacances pour les handicapés, sans oublier le programme Caravane et l’activité des jeunes de l’ordre. Et cela au service de tous.
« Aujourd’hui, que de nouveaux projets ont été réalisés! La plupart des centres ont été agrandis et modernisés, un nouveau a ouvert à Deir el-Ahmar. Trois nouvelles unités médicales mobiles ont été mises en place. Le centre de vacances de Chabrouh a été transformé et doté d’une chapelle qui peut s’enorgueillir d’être le premier lieu de culte consacré par l’ordre dans la région depuis son départ de Terre sainte en 1291. En même temps, le nombre de camps de vacances a explosé, et l’on est obligé d’agrandir le centre d’accueil des volontaires de Caravane. Le nombre des jeunes de l’ordre a plus que doublé, et je ne parlerai pas des projets à démarrer prochainement. »
Le cèdre en Albigeois
Remerciant le président de l’Association libanaise des chevaliers de Malte, Marwan Sehnaoui, qui lui a décerné la suprême distinction de l’ordre, le diplomate a précisé : « Ce n’est pas à moi, ce soir, qu’il faut rendre hommage, mais à ceux qui, au quotidien, incarnent sur le terrain nos idéaux : à toi, d’abord, et tes vaillantes troupes, à Paul Saghbini et à son bureau technique, au Dr Issa (Farkh), à nos sœurs, nos dames de la Fondation Moussa Sadr, à Khaled Kaskas, à nos médecins, nos infirmières, nos soignants, notre personnel administratif, nos chauffeurs (…). Je ne voudrais surtout pas oublier nos jeunes (…). Ce sont eux l’avenir prometteur de l’ordre. »
Par ailleurs, l’ambassadeur sortant a eu des mots touchants « pour la petite équipe de l’ambassade, à commencer par mon vieil ami et complice de près d’un demi-siècle, François (Abi Saab), qui a accepté de venir nous rejoindre après une carrière exceptionnellement longue et bien remplie à l’ambassade de France où je l’avais connu en 1976. Son humour tendre et féroce dissimule parfois le sérieux de son engagement ».
Sa secrétaire Fadia Mahfouz a également eu droit à un mot touchant. « Grâce à vous, a-t-il dit, grâce à la générosité de la pépinière Mahfouz, j’ai pu planter quelques cèdres sur mon bout de terre en Albigeois (sud de la France). Le matin, en ouvrant ma fenêtre, je vois le plus beau d’entre eux au fond de la prairie qui donne sur le parc. Vous pouvez deviner alors à quoi je pense. »
Et Charles-Henri d’Aragon, sans quitter le thème du cèdre, de conclure adroitement son discours « d’adieu » en remerciant le chef de l’État de lui avoir décerné l’ordre du Cèdre. « Je n’ai pas voulu voir dans ce geste qui m’a touché la reconnaissance de mes mérites, mais celle de l’amour que je porte depuis longtemps à ce pays », a-t-il conclu avec élégance.