Dans le prolongement de son action humanitaire de proximité et en réponse à une misère décuplée aux quatre coins du pays, l’ordre de Malte a ajouté à son réseau de cinq unités médicales mobiles (UMM) qui sillonnent le territoire libanais une sixième dans le nord du pays, couvrant Tripoli et les régions alentour.
Après le Akkar, la Békaa, Siddikine et les frontières du Sud, cette 6e unité médicale mobile, lancée en partenariat avec le Charitable Trust CPVG (Caritas Pro Vitae Gradu), a été déployée le 1er septembre, à partir du centre de soins de santé primaires de l’ordre de Malte situé à Khaldieh-Zghorta, pour offrir des services de santé complets gratuits aux habitants de la région, allant d’al-Mina Tripoli jusqu’à Sir el-Denniyé, en passant par Mejdlaya, Meryata, Bakhaoun, Bkaa Safrine, Izal et Bkarsouna.
L’itinéraire des points de chute visités hebdomadairement par l’UMM a été mis en place suite à une évaluation de terrain approfondie, réalisée avec la collaboration du mohafez du Nord et des chefs de municipalité de la région afin de déterminer les besoins les plus importants. Deux experts socio-économiques ont par ailleurs participé à l’identification des poches de pauvreté afin de cibler les zones les plus précaires, notamment al-Mina, Tripoli et Sir el-Denniyé.
Arrêt sur Tripoli
Théâtre de vives tensions incessamment renouvelées, Tripoli souffre depuis trop longtemps. Les habitants de la « deuxième capitale du Liban », à forte densité urbaine, considèrent que la ville est abandonnée à son sort. « C’est comme si Tripoli ne figurait pas sur la carte du Liban », entend-on même, pour critiquer l’absence de projets de développement dans la ville, où les taux de chômage et de pauvreté sont parmi les plus élevés du Liban.
En effet, la multiplication des crises ajoutée à la profonde récession que connaît le pays ont entraîné une paupérisation des classes moyennes, et les couches les plus défavorisées se sont encore plus appauvries… Un nombre croissant de Tripolitains a aujourd’hui sombré dans la grande pauvreté et ne bénéficie d’aucun filet de sécurité sociale.
« La situation est plus que catastrophique. Les gens n’ont plus de quoi manger, encore moins de se procurer les médicaments de base dont ils ont besoin », témoigne une habitante de la ville. D’où le rôle fondamental de l’action de l’ordre de Malte et du rendez-vous hebdomadaire qu’assure l’équipe de son unité médicale mobile qui, ornée de la croix de l’ordre dans son blason rouge, a été reçue à bras ouverts par une population exsangue en soif non seulement de soins, mais aussi d’écoute et d’attention.
Suite à sa visite de l’UMM spécialement réaménagée en deux salles de consultation, le président de la municipalité de Tripoli, Dr Riad Yamak, a félicité son équipe, formée de médecins, d’infirmières, d’un coordinateur de terrain, d’une assistante sociale, d’un responsable administratif et de 2 chauffeurs, déclarant : « La présence de cette UMM est aujourd’hui plus essentielle que jamais, de par l’excellence des services médicaux qu’elle offre, mais aussi du fait qu’elle fournit gratuitement des médicaments durant une période où nous souffrons d’importants manques à ce niveau. »
Après avoir suivi la séance de sensibilisation à la prévention contre le Covid-19, il ajoute : « Nous ne pouvons que remercier l’ordre de Malte pour cette action, notamment dans la situation de crise que nous vivons à Tripoli, tant au niveau économique et social qu’à celui de la pandémie de coronavirus. La session explicative donnée aux patients qui attendaient leur tour est aussi primordiale ; la population tripolitaine a besoin de ce genre de clarifications qui lui indiquent comment se prémunir contre ce virus, sans pour autant céder à une panique déstabilisatrice et nocive. »
Panser les plaies du corps et de l’âme
Dans cette première phase opérationnelle de l’UMM seront assurées des consultations médicales gratuites et la fourniture de médicaments en conséquence. La seconde phase comprendra également, comme c’est le cas pour toutes les UMM de l’ordre de Malte, des références gratuites vers des médecins spécialisés, pour des examens de laboratoire et même pour d’éventuelles hospitalisations, avec près de 3 000 actes médicaux prévus mensuellement.
Hala, venue de Bab el-Tebbané, témoigne : « C’est un de mes neveux, informé par un message WhatsApp du passage de l’UMM, qui m’a poussée à venir bénéficier d’une consultation gratuite. J’en suis extrêmement satisfaite : non seulement l’équipe médicale a pris le temps de m’expliquer de quoi je souffrais avant de me remettre tous les médicaments dont j’ai besoin, mais elle m’a tranquillisée sur mes maux et j’en suis ressortie rassérénée et le cœur plus léger, comme déchargée d’un fardeau. Si des initiatives similaires se multipliaient, le monde s’en porterait bien mieux. »
Instrument de coexistence
Apporter un changement salutaire au Liban-message en souffrance… C’est en effet un des objectifs de l’ordre de Malte. Le choix de cette région du pays n’est ainsi pas fortuit, l’ordre, par son statut neutre, impartial et apolitique, ambitionnant d’y jouer le rôle-clé d’instrument de paix et de vivre-ensemble. Car, dans ces zones multicommunautaires considérées comme laissées pour compte essaiment des groupuscules extrémistes qui profitent de la vulnérabilité d’une jeunesse sans espoir en lui fournissant le soutien sanitaire ou financier auquel elle n’a pas accès.
Aussi un des critères de l’ordre de Malte dans la mise en place de son itinéraire était-il de se positionner de manière à couvrir les zones sensibles en termes de diversité de communautés, et cela afin de poursuivre sa mission de promotion et de consolidation d’une culture de coexistence pacifique, grâce à l’accès à des services de qualité pour tous, rassurant ainsi la population par un soutien efficace et réduisant par là même les tensions.
Un objectif en harmonie avec ceux de son partenaire dans ce projet, le Charitable Trust CPVG (Caritas Pro Vitae Gradu), fondation caritative qui apporte son soutien à des projets favorisant le changement, avec un fort impact humanitaire et social et la promotion des valeurs de compassion et d’engagement en faveur des plus vulnérables.
Article publié dans L’Orient-Le Jour le 15 septembre 2020.